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Au Bhoutan, avant les élections, on s'échauffe.

Il n’y a pas qu’en France que l’on vote. Mais si nous sommes habitués à rejoindre les urnes, ce n’est pas le cas partout. Au Bhoutan, les premières élections vont avoir lieu d’ici fin 2008 et pour ne pas faire d’erreur, ce petit pays, enclavé entre l’Inde et la Chine a prévu deux simulations d’élections. La première vient d’avoir lieu, le 21 avril 2007. Au programme : quatre partis imaginaires et des électeurs bien réels qui prennent la chose très au sérieux.

Si la chose peut paraître insolite, elle correspond tout à fait à l’attitude de ce petit pays qu’est le Bhoutan. Depuis son indépendance en 1949, cet état relativement discret, a eu une politique très protectionniste. En limitant le nombre d’étrangers admis sur le territoire par an et en veillant à tout prix sur la protection de la culture bhoutanaise et sur l’environnement, ses dirigeants ont contribué à l’isolement de leur patrie. Le Bhoutan comptait 31% de sa population en dessous du seuil de pauvreté fin 2006. Son économie est très peu développé, tout comme ses routes ou la presse, presque totalement sous le contrôle du monarque.

Pourtant, le Bhoutan intrigue l’Occident et le monde entier depuis bien longtemps. Car si ce pays n’est pas un exemple de développement économique et industriel, il a su inventer quelques idées qui ne seraient pas du luxe dans nos pays « modernes ». Ainsi, dés 1972, les Bhoutanais parlent d’un BNB, indice de Bonheur National Brut, qui fera réfléchir nos dirigeants. Ainsi, une gouvernance responsable, la sauvegarde de l’environnement, la promotion du développement durable et la conservation de la culture trouvent leur place à côté de la croissance économique dans les prérogatives de l’Etat.

Mais loin de perdre de vue le retard de son pays, le roi Jigme Singye Wangchuck (qui a laissé la place à son fils Jigme Khesar Namgyel Wangchuck) annonce en 2006 les premières élections démocratiques de son pays. Et là, tout y est, le roi suit sagement le modèle des démocraties occidentales : création d’une constitution, bureaux de votes dans tout le pays, parlement bicéphale composé d’une Assemblée Nationale de 75 membres et d’un Conseil National de 25 membres… les médias aussi vont être de la partie puisque depuis 1999 la télévision est apparue au Bhoutan et que le premier journal privé est né en avril 2006. Mais les Bhoutanais, en bons Bouddhistes, apprécient le calme et les vertus de la patience. Loin de se précipiter, ils préparent avant tout deux simulations.

La première a donc eu lieu le mois dernier. Sur les 640 000 électeurs Bhoutanais (40% de la population, qui comporte un nombre terriblement important de réfugiés Népalais fuyant la dictature et les guérillas Maoistes), un peu plus de 100 000 ont fait le déplacement. Comme lors d’une vraie élection, ils avaient soigneusement apportés leurs cartes d’électeurs et ont choisit entre quatre partis fictifs, créés pour l’occasion, sous l’œil d’observateurs internationaux. Chaque parti défendait une base de projets. Ainsi, le parti du Dragon Jaune représentant la protection de la culture et de la tradition l’a emporté avec 44,3% des voix, devant le parti du Dragon Rouge pour l’industrialisation avec 25,5% et le parti du Dragon Bleu pour la lutte contre la corruption, l’éducation et les soins médicaux gratuits avec 20,3%. Bon dernier, le parti du Dragon Vert, soucieux de l’environnement et du développement durable n’obtient que 14,9% des suffrages. Comme quoi, il n’y a pas qu’en France que les Verts peinent à se démarquer !

Quoi qu’il en soit, le projet démocratique du Bhoutan semble bien avancer, dans le calme, la sérénité et une certaine fierté. Conscients du regard des observateurs internationaux, le journal public Kuensel publiait le 2 mai 2007 : « Les élections sont excitantes. Comme tous les mécanismes d’un gouvernement démocratique […] Chaque citoyen bhoutanais va être appelé à de nouvelles responsabilités et à participer au changement. »

Un bel exemple d’élan démocratique à saluer bien bas.