vendredi 21 mars 2008

Villier le Bel, une expérience policière au profit de l'orgeuil médiatique.

160 policiers appuyés par 160 CRS pour arrêter 15 jeunes de quartiers. Lundi 17 mars, cette opération menée à Grigny dans l'Essonne passe presque inaperçue. Des policiers avaient été pris pour cible par des jeunes armés le 2 mars, une attaque que la ministre de l'intérieur a qualifiée de « guet-apens ». Des arrestations qui pourraient paraître démesurées. Est il besoin de mobiliser plus de 300 officiers pour interpeller 15 jeunes dont 5 étaient encore mineurs ? Les chiffres semblent démesurés.

Ils rappellent ceux de Villiers le Bel, encore plus impressionnants. 1 100 policiers mobilisés pour arrêter 35 personnes. Les troupes avaient été réquisitionnées sur toute la banlieue parisienne mais également à Lille. Des CRS, la BAC, le RAID, ils avaient tous participés à cette immense opération parfaitement organisée. Les journalistes avaient d'ailleurs été informés et avaient largement couvert cet événement.

Une politique était d'ailleurs née sur le rôle de la presse dans le problème des émeutes en banlieue. Les médias dans un élan d'auto flagellation avaient cerné le jeu du ministère de l'intérieur, qui visait à mener ce grand spectacle de communication afin de largement informer sur le travail modèle des agents de police. La presse refusa alors de se laisser utiliser et se dénonça d'elle même. En attendant, les images et les résultats avaient été largement diffusés.

Curieusement, pas de presse à Grigny. Ceux des journalistes qui ont le plus de remords du rôle des médias dans les interpellations de Villiers le Bel, ou qui n'avaient pu en profiter pour produire eux même du contenu dessus, se sont précipités sur cette occasion de ressortir cette vieille polémique. Villiers le Bel était bien une opération de communication puisque les reporters n'étaient pas conviés à Grigny.

Et pourtant il semblerait que l'objectif de la police n'ait été à aucun moment de faire bonne impression. En effet, MediaPart publiait le 18 mars deux documents internes à la police, des rapports, qui regroupaient les conclusions faites suite à « l'expérience Villiers le Bel ». Il se serait donc bien agit d'une expérimentation et non de communication. En effet, les manoeuvres quasi militaires de cette opération étaient à l'opposé des déboires de novembre 2007. La police avait alors eu plus de 200 blessés et n'était pas passée loin de la pénurie de munitions.

Les dernières opérations menées dans les quartiers sont donc bien un avant goût des interventions de demain. Des policiers organisés, nombreux et équipés qui interviennent de façon rapide et offensive. Parmi les moyens demandés, on trouve une large panoplie d'équipements anti émeutes et militaires : des armes plus lourdes (balles en plastique dur calibre 40mm), des véhicules lourds, blindés et équipés pour franchir les obstacles, des fumigènes en quantité, plus de munitions, des hélicoptères, des systèmes d'éclairage... Tout le nécessaire pour partir en guerre contre les émeutiers de la banlieue.

Le modèle fait penser à celui des armées conventionnelles occidentales : des équipes autonomes très hiérarchisées dans lesquelles chaque homme à un équipement spécifique complémentaire avec ses camarades et des moyens techniques à la pointe de la technologie. La direction de la police réclame également de nouvelles formations avec notamment des officiers transmissions, exactement comme dans les groupes militaires, qui auraient en charge de gérée la communication, l'un des facteurs qui avaient participé à la débâcle de novembre étant la panique qui avait empêché les forces de police de communiquer efficacement. La police réclame également de nouvelles unités spécialisés dans la lutte anti émeute en banlieue et une intervention du RAID systématisée, afin de soutenir le moral des troupes.

La guerre aux émeutes est donc déclarée. Mais ces moyens ne sont ils pas démesurés pour faire face à des groupes de jeunes ? La question se pose quand à savoir s'il ne risque pas d'y avoir un trop plein de répression et pourtant, les gardiens de la paix ayant à affronter lors de ces incidents des tirs d'armes à feu légères, des engins explosifs incendiaires et de véritables manoeuvres de harcèlement, n'est il pas normal qu'ils mettent en oeuvre les moyens nécessaires pour lutter efficacement sans mettre en danger leurs vies, celles des habitants et celles des émeutiers ?

Pourtant, la mise à disposition de tels moyens entre les mains d'officiers n'ayant pas toujours la pleine maîtrise de leurs actions peut s'avérer dangereux. Les explosions dans les quartiers sensibles sont presque toujours survenues suite à des incidents au cours desquelles la police avait perdu le contrôle de la situation, que ce soit pour les émeutes de 2005 ou de 2007, on remarque qu'à chaque fois, des jeunes ont été tués au cours d'une interpellation ou par accident par des policiers. Des moyens supérieurs pourraient être à l'origine de nouvelles bavures. Si la police souhaite pouvoir former les hommes qui interviendront, la période de transition risque d'être houleuse, les hommes les moins bien formés n'étant pas près à évoluer dans ces nouvelles unités.

mardi 18 mars 2008

L'UMP pose un genou mais ne s'effondre pas.

36 villes de plus de 30 000 habitants perdues. Pour les plus grandes cités françaises, celles de plus de 100 000 habitants, au nombre de 37, l'UMP passe de 21 à 12 mairies contrôlées. La perte de terrain est sévère et elle était attendue. Le deuxième tour des municipales 2008 devait sonner le glas de la droite ce dimanche 16 mars. Ce scrutin devait illustrer le retour en force du Parti Socialiste et la régression de tous les autres partis.

Le Front National devait s'effondrer, les Verts devaient être absents, le PCF et la LCR devaient rencontrer des difficultés. Tout ceci a bien eu lieu et tant pis pour le suspense. Le MoDem a été battu et n'a pas sur trouver sa place lors de ces scrutins, comme prévu. La gauche devait littéralement dévorer les élus de droite pour les municipales et les cantonales. Cela aussi a bien eu lieu, revenons donc sur les conséquences que vont avoir ces résultats sur les mois et années à venir.

Dés lundi 17, l'heure était pour les partis vaincus à l'auto critique, selon une thématique abordée par France Inter très tôt le matin. Les élus du centre et de la droite se sont succédés au micro de Nicolas Demorand pour faire le bilan sur ces élections et sur leur échec. Les élus socialistes ont bien entendu savouré leur victoire, mais les vaincus ont ils accepté leur défaite ?

Difficile de reconnaître ce genre d'échecs en politique. Surtout avec l'impact médiatique que cela peut avoir et avec l'importance de la communication. La plupart des élus UMP estiment donc que les Français ont voulu adresser un message au gouvernement : François Fillon y voit un souhait d'accélération des réformes.

Pourtant c'est maintenant que la droite commence à se faire des soucis. En effet, ce regain de pouvoir et de crédibilité de la gauche permet au Parti Socialiste de revenir sur le devant de la scène et de pouvoir de nouveau exprimer ses opinions avec la plus grande légitimité. C'est une nouvelle forme de cohabitation qui est en train de naître. En effet, les élus de gauches viennent d'obtenir un très grand nombre de pouvoirs locaux. François Hollande a exprimé son souhait d'un PS « plus respecté par le gouvernement ». Il estime que les Français ont demandé un moyen de « peser » sur l'Etat.

C'est donc le début d'un nouveau bras de fer entre une droite gouvernementale détentrice de l'autorité nationale et d'une gauche ressuscitée protectrice des pouvoirs locaux. Ce fonctionnement et l'hostilité mal cachée sous des faux semblants de recherche de coopération risquent de ralentir les réformes. Les institutions locales vont en effet tenter de faire barrage aux mesures de la droite en mettant en oeuvre à leur échelle des méthodes de gauche. Reste à savoir si le pays ne va pas être ralenti par ce fonctionnement.

Le temps est donc venu pour de nouveaux défis politiques. François Hollande en tant que président du Parti Socialiste a promis que son parti saurait profiter de cette victoire pour repartir à la conquête de l'électorat national. La droite elle, par la voix de Claude Goasguen, député maire du 16ème arrondissement de Paris, doit réussir à nouer le contact et à mieux appréhender les dynamiques locales et régionales. Les deux principaux partis français pourraient bien se croiser sans vraiment se rencontrer.

Une grande gagnante, qui persévère régulièrement depuis 1959, c'est l'abstention. Selon l'institut TNS-Sofres, son taux a encore augmenté d'un demi point par rapport aux municipales de 2001. Pas de remise en cause ici pour les Français, ils sont de plus en plus nombreux à adopter cette direction. Une réelle autocritique serait peut être la bienvenue finalement, même si encore une fois, en bon communicants, les élus UMP se montrent tout à fait convaincus que l'abstention joue en leur défaveur.

lundi 17 mars 2008

Tibet 2008, des Jeux au goût de cendre et de sang.

Tenzing Gyatso n'est pas homme à se laisser emporter. Voilà presque 50 ans qu'il a du fuir son pays, le Tibet, pour éviter de devenir l'outil des autorités chinoises. Pourtant, lundi 10 mars, le Dalaï Lama a exprimé son irritation quand à l'hypocrisie du gouvernement de la République Populaire de Chine. Leader des Tibétains expatriés, il a toujours privilégié la « voix du milieu », la voix du dialogue, de la raison et de la paix. Ces opinions lui ont valu d'être perçu comme un leader « mou » par les jeunes générations de son peuple. Il a marqué le monde par cette façon de lutter contre la tyrannie chinoise. Le Prix Nobel de la Paix veut pourtant cette fois dénoncer l'attitude du gouvernement de Hu Jintao.

En effet, malgré de nombreuses promesses, le gouvernement chinois peine à diriger le pays vers les droits de l'homme et continue de scandaliser les associations du monde entier. Hu Jintao, connu pour la sanglante repression des manifestations de Tian`anmen. Le président chinois est aussi considéré par la presse internationale comme l'un des pires ennemis de la liberté d'expression et des libertés individuelles en général.

Pourtant, quand le comité international olympique a accordé à Pékin les jeux d'été de 2008, la poursuite de plus de liberté en République Populaire de Chine était une condition posée et acceptée par le gouvernement. Quatre mois avant le lancement des jeux, peu d'efforts ont été poursuivis par les dirigeants chinois.

Il y a une semaine, les médias français parlaient de nouveau du non respect de la liberté de la presse en Chine. La censure en général et sur internet en particulier est un véritable fléau. Selon Reporters sans Frontières 30 journalistes et 50 internautes sont toujours emprisonnés en Chine. Les autorités ont su utiliser de toute une panoplie d'accusations comme le séparatisme ou la diffamation pour emprisonner les cyber-dissidents. Le mot d'ordre à l'approche des jeux : durcir la répression.

Chaque années, des milliers de chinois continuent d'être exécutés, parfois de façon très sommaire, d'une balle dans la nuque au milieu d'un stade dans les cas les plus sordides. Au Xinjiang, les musulmans ouighours sont abattus, accusés de séparatisme. La liberté de la presse ne s'est jamais aussi mal portée. Pourtant, les jeux Olympiques auront très certainement lieu.

Ce haut symbole de fraternité, de paix et de rencontre risque d'être le lieu de terribles répressions. Des associations du monde entier se préparant à partir pour une vraie croisade contre la politique gouvernementale chinoise et ces derniers se préparant à les empêcher de s'exprimer. Hu Jintao doit appréhender l'approche des Jeux qui risquent de ressembler aux arènes romaines d'antan. Mais il n'est pas le seul, d'autres, comme Tenzing Gyatso, doivent également craindre les réactions excessives que pourrait déployer les autorités chinoises.

samedi 15 mars 2008

Le troisième homme ... de paille ?

Depuis les élections présidentielles de 2007, François Bayrou est perçu comme le troisième homme. Son résultat au premier tour a lancé une véritable passion médiatique pour celui qui devait devenir le contrepoids des deux partis vieillots de l'hexagone. Pourtant, petit à petit, la stratégie politique de M. Bayrou et le démarrage difficile du MoDem ont laissé croire qu'il ne s'était agit que d'une passade de Français ne sachant plus pour qui voter.

Pour les municipales, vote utile oblige, les deux partis majeurs ont littéralement dominer la scène électorale. Le MoDem atteint dépasse difficilement les 10% dans une quarantaine de villes et arrondissements. L'engouement des Français s'est perdu dans les manoeuvres qui ont mené à la création de ce tout jeune parti. François Bayrou lui même ainsi que Marielle de Sarnez, son fidèle bras droit, ont peiné à se démarquer dans leurs ville et arrondissement respectifs. Et voilà la presse repartie de plus belle sur le rôle majeur que le MoDem va jouer au second tour de ces élections.

Toute la semaine, politiques et journalistes se sont lancés dans des spéculations quand aux alliances stratégiques que l'UMP et le PS allaient devoir effectuer pour obtenir le soutien du MoDem et s'assurer la victoire. Le problème, c'est que M. Bayrou a déclaré dés la fin du premier tour qu'il n'y aurait pas de mot d'ordre national mais des décisions au cas par cas. Une vraie décision de centriste finalement, tantôt à droite, tantôt à gauche.

Alors du coup sur le terrain, on ne sait plus trop de quel côté le MoDem se range. A Marseille, Jean-Luc Bennahmias, tête de liste centriste, se range du côté de Jean-Noël Guérini, le candidat socialiste. A Metz et à Toulouse, les candidats MoDem ont négocié avec l'UMP. Dans d'autres villes, comme Strasbourg et même Paris, les candidats centristes n'ont pas réussi à trouver leur place. Mme. De Sarnez a été littéralement ignorée par Bertrand Delanoe. M. Bayrou a même refusé certaines alliances, comme si le paysage politique municipal centriste n'était pas assez

Le parti de François Bayrou, malgré un démarrage difficile et le départ de nombreux anciens collaborateurs, semble donc tirer son épingle du jeu. Comme le dit son fondateur, c'est un groupe naissant qui peut se targuer d'avoir su s'imposer au cours de ce scrutin. Les centristes peuvent donc remercier leurs électeurs.

Les électeurs du centre. La grande inconnue des dernières élections. Il semblerait, d'un commun accord, qu'il s'agisse d'électeurs ayant perdu confiance envers les grands partis. Autant de droite que de gauche, désabusés par la politique nationale. Ils ont trouvé en M. Bayrou et son discours l'occasion de manifester leur lassitude. Petit à petit, on chercher à les cerner, à les comprendre, pour pouvoir les récupérer. Pourtant avec ces alliances très opportunistes, le MoDem risque de perdre ses électeurs les plus à droite ou à gauche. Quand aux autres, ils pourraient être encore plus désorientés qu'il ne le sont déjà.

Acquérir un électorat régulier est le grand défi que se fixe le MoDem pour les mois et années à venir. Comment atteindre ce but sans définir une ligne politique plus claire, plus précise ? Les électeurs du MoDem sont devenus de véritables électrons libres, instables et volatiles. Et si le noyau dur des électeurs n'est pas imposant, celui des candidats potentiels à différents postes à responsabilité risque de s'amoindrir aussi. Un élu MoDem intégré à une liste de droite ou de gauche va t il devenir un contrepoids ou se faire assimiler par le parti qui l'accueillera ?

François Bayrou lui même semble ne pas trop savoir sur quel pied danser. Il peine à marier ses idéaux politiques avec les dures réalités stratégiques du système électoral moderne. Entre intégrité et alliances, entre idéalisme et naïveté, le chemin du MoDem reste parsemé d'embuches.

vendredi 14 mars 2008

La littérature amputée par le conflit israélo-palestinien

Le Liban, le Maroc, l'Algérie, les imprimeurs palestiniens … Tous ont décidé de boycotter le salon du livre qui commence ce jour à Paris. Le thême de ce salon et invité d'honneur, l'Etat d'Israël qui va fêter cette année ses soixante ans d'existence, a mis le feu au salon. L'hommage rendu par la France via ce salon à Israël est perçu comme une provocation envers tous les peuples arabes. Dans ces pays, les imprimeurs et auteurs sont tombés d'accord sur l'approche qu'ils auraient de cette rencontre : boycott total. Les éditeurs et les auteurs de ces pays ont finalement annulé leur présence au salon.

Le débat est de fait relancé sur l'attitude d'Israël au Moyen-Orient. Shimon Pérès, en visite officielle à Paris, a été reçu avec tous les honneurs par le Président de la République. Il s'exprimait sur ce boycott, qualifiant l'attitude des pays arabes de « stupide ». Pour lui comme pour beaucoup d'intellectuels et d'auteurs, cette attitude est ridicule et montre un vilain mélange entre politique et littérature.

Si l'on se penche sur l'actualité de ces derniers mois en Israël, la grogne est compréhensible. Le petit état s'était engagé lors des conférences d'Annapolis à ne pas poursuivre le mur de Gaza et à ne pas fonder de nouvelles colonies en territoire palestinien. Près de cinq mois après ces promesses, la situation n'a pas évoluée. Les affrontements ont même repris fin février, Israël lançant l'opération « Hot winter » pour riposter contre les supposées attaques du Hamas et du Hezbollah tandis que les Palestiniens ont repris les jets de pierre.

Mais la littérature et la politique sont deux choses distinctes. Il n'est pas raisonnable de boycotter la littérature israélienne sous prétexte que la politique officiel de ce pays est jugée insatisfaisante. Pourtant, le thème du salon, « L'Etat d'Israël », est il réellement apolitique ? Peut on réellement dissocier un aspect culturel d'un pays de ce dernier ? La définition d'Etat inclus les notions de nation et d'identité commune.

L'identité d'Israël pose justement problème. Avraham B. Yehoshua, écrivain israélien, assimilait cette semaine la mort et la guerre à l'identité d'Israël. Pourtant, l'auteur estimait également que ce boycott était lâche. Les relations entre le monde arabe et Israël ne se résoudront pas en se tournant le dos et la littérature, dans l'hypothèse ou elle pourrait desservir la paix et la raison, ne mérite en aucun cas d'être sacrifiée au conflit.

La littérature doit rester un moyen de communiquer et d'échanger. L'auteur marocain Tahar ben Jelloun exprimait son désappointement quand à ce boycott : n'est il pas dommage que "les arabes ne puissent plus lire la poésie israélienne" et que "les Juifs ne puissent plus accéder au romanesque arabe "?

jeudi 13 mars 2008

Espagne : une nouvelle victime de l'ETA renverse l'échiquier électoral.

Les élections législatives espagnoles sont entachées par la douleur et la terreur. Vendredi sept mars, un homme abat Isaias Carrasco de trois balles dans la nuque. L'ancien élu socialiste du pays basque espagnol rejoint ainsi la longue liste des victimes de l'ETA. Ce drame a rappelé à tous les habitants du pays les dernières élections de 2004, qui avaient également été entachées par la mort suite aux attentats du 11 mars. Le fanatisme des ultra nationalismes vient donc noircir une campagne qui était alors orientée sur les libertés individuelles et l'ouverture d'esprit des politiciens de gauche.

Les débats qui ont commencé il y a maintenant plus de deux mois, ont fermement opposé José Luis Rodriguez Zapatero, candidat du parti socialiste espagnol (PSOE) à Mariano Rajoy, le conservateur du parti populaire (PP). Jusque là, l'actuel président mène de quatre points selon El Pais, sans que cela soit suffisant pour lui accorder une réelle assurance politique. Ce partage des opinions est représentatif du positionnement moral de la population. D'un côté, les électeurs les plus jeunes et les plus ouverts qui ont apprécié les mesures révolutionnaires et résolument modernes de M. Zapatero concernant les droits de la femme, le mariage homo-sexuel ou encore l'IVG. Le leader de gauche a su conquérir les espagnols en tournant l'Espagne vers l'avenir et en s'éloignant d'une politique conservatrice. Le Parti Populaire joue sur l'autre front et s'oppose justement à ce modernisme à outrance qui bafoue selon eux les lois de la république.

Les petits partis ont perdu en poids dans ces élections, notamment à cause de la campagne coûteuse menée par les deux principaux candidats. Cette campagne, digne des shows à l'américaine, a été mal perçue par les électeurs qui y voient un énorme gâchis d'argent, de temps et d'énergie. Pour assurer la victoire, les deux partis majoritaires vont donc appliquer les méthodes de la politique moderne et réfléchir à des alliances.

L'Eglise Catholique s'est manifestée ces derniers jours en s'opposant aux socialistes. Le Parti Populaire trouve là une chance de gagner un électorat qui reste important. En 2005, des dizaines de milliers de manifestants avaient accompagnée les religieux dans les rues de la capitale afin de manifester leur opposition au mariage homo-sexuel. L'alliance entre les croyants et les conservateurs semble donc couler de source.

Zapatero lui s'est rabattu sur les nationalistes en rencontrant Artur Mas et Juan José Ibarretxe de Convergence et Union et du Parti Nationaliste Basque. Des nationalistes. Une prise de risque certaine dans ce pays où le terrorisme ultra nationaliste pèse lourd sur la conscience collective. Le meurtre de M. Carrasco risque de venir assombrir cette alliance potentielle. Le président actuel ne peut en effet raisonnablement pas continuer de discuter avec les nationalistes au risque de perdre de nombreux électeurs.

A un autre moment, cet assassinat aurait pu passer pour un simple fait divers. Sur l'échiquier législatif de la campagne, il devient un point fondamental de ces élections. Le risque terroriste va repasser en tête des préoccupations nationales, devant la crise immobilière, devant les problèmes d'immigration et devant l'opposition entre générations. L'écart entre les deux partis majeurs risque de se resserrer et M. Zapatero va devoir creuser de nouvelles pistes afin d'obtenir des soutiens moins risqués sur le plan symbolique.