mercredi 9 mai 2007

Au Bhoutan, avant les élections, on s'échauffe.

Il n’y a pas qu’en France que l’on vote. Mais si nous sommes habitués à rejoindre les urnes, ce n’est pas le cas partout. Au Bhoutan, les premières élections vont avoir lieu d’ici fin 2008 et pour ne pas faire d’erreur, ce petit pays, enclavé entre l’Inde et la Chine a prévu deux simulations d’élections. La première vient d’avoir lieu, le 21 avril 2007. Au programme : quatre partis imaginaires et des électeurs bien réels qui prennent la chose très au sérieux.

Si la chose peut paraître insolite, elle correspond tout à fait à l’attitude de ce petit pays qu’est le Bhoutan. Depuis son indépendance en 1949, cet état relativement discret, a eu une politique très protectionniste. En limitant le nombre d’étrangers admis sur le territoire par an et en veillant à tout prix sur la protection de la culture bhoutanaise et sur l’environnement, ses dirigeants ont contribué à l’isolement de leur patrie. Le Bhoutan comptait 31% de sa population en dessous du seuil de pauvreté fin 2006. Son économie est très peu développé, tout comme ses routes ou la presse, presque totalement sous le contrôle du monarque.

Pourtant, le Bhoutan intrigue l’Occident et le monde entier depuis bien longtemps. Car si ce pays n’est pas un exemple de développement économique et industriel, il a su inventer quelques idées qui ne seraient pas du luxe dans nos pays « modernes ». Ainsi, dés 1972, les Bhoutanais parlent d’un BNB, indice de Bonheur National Brut, qui fera réfléchir nos dirigeants. Ainsi, une gouvernance responsable, la sauvegarde de l’environnement, la promotion du développement durable et la conservation de la culture trouvent leur place à côté de la croissance économique dans les prérogatives de l’Etat.

Mais loin de perdre de vue le retard de son pays, le roi Jigme Singye Wangchuck (qui a laissé la place à son fils Jigme Khesar Namgyel Wangchuck) annonce en 2006 les premières élections démocratiques de son pays. Et là, tout y est, le roi suit sagement le modèle des démocraties occidentales : création d’une constitution, bureaux de votes dans tout le pays, parlement bicéphale composé d’une Assemblée Nationale de 75 membres et d’un Conseil National de 25 membres… les médias aussi vont être de la partie puisque depuis 1999 la télévision est apparue au Bhoutan et que le premier journal privé est né en avril 2006. Mais les Bhoutanais, en bons Bouddhistes, apprécient le calme et les vertus de la patience. Loin de se précipiter, ils préparent avant tout deux simulations.

La première a donc eu lieu le mois dernier. Sur les 640 000 électeurs Bhoutanais (40% de la population, qui comporte un nombre terriblement important de réfugiés Népalais fuyant la dictature et les guérillas Maoistes), un peu plus de 100 000 ont fait le déplacement. Comme lors d’une vraie élection, ils avaient soigneusement apportés leurs cartes d’électeurs et ont choisit entre quatre partis fictifs, créés pour l’occasion, sous l’œil d’observateurs internationaux. Chaque parti défendait une base de projets. Ainsi, le parti du Dragon Jaune représentant la protection de la culture et de la tradition l’a emporté avec 44,3% des voix, devant le parti du Dragon Rouge pour l’industrialisation avec 25,5% et le parti du Dragon Bleu pour la lutte contre la corruption, l’éducation et les soins médicaux gratuits avec 20,3%. Bon dernier, le parti du Dragon Vert, soucieux de l’environnement et du développement durable n’obtient que 14,9% des suffrages. Comme quoi, il n’y a pas qu’en France que les Verts peinent à se démarquer !

Quoi qu’il en soit, le projet démocratique du Bhoutan semble bien avancer, dans le calme, la sérénité et une certaine fierté. Conscients du regard des observateurs internationaux, le journal public Kuensel publiait le 2 mai 2007 : « Les élections sont excitantes. Comme tous les mécanismes d’un gouvernement démocratique […] Chaque citoyen bhoutanais va être appelé à de nouvelles responsabilités et à participer au changement. »

Un bel exemple d’élan démocratique à saluer bien bas.

mardi 8 mai 2007

6 Mai 2007, Monsieur Sarkozy président, champagne et flashball symboles démocratiques ?

6 mai 2007. Nicolas Sarkozy est élu Président de la République française avec un peu plus de 53% des voix face à madame Royal. A partir de l’annonce de ces résultats, la France tout entière va être agitée par des heurts plus ou moins violents. A Lille, à Bordeaux, à Toulouse, à Lyon et bien sur, à Paris, des manifestations éclatent pour contester le résultat des élections. Les manifestants, s’ils ne sont pas tous violents, ont en commun un certain nombre de slogans, pour le moins impolis, demandant au candidat nouvellement élu de démissionner.

La question se pose alors : quelle légitimité y a-t-il à demander à ce nouveau président élu par les Français de quitter ses fonctions ? Notre système démocratique prévoit que l’élection se passe d’une certaine manière, pouvons nous donc contester son résultat sous prétexte que celui-ci ne nous convienne pas ? A Lyon, on pouvait lire sur des pancartes « Un président de merde pour un pays de cons » et autres « Je ne suis pas français » sur les pancartes brandies par les manifestants. Quelle crédibilité idéologique ce type d’actions veut il réellement mettre en avant ? Comment, dans un pays civilisé et démocratique comme le notre, cette violence peut elle finir en un affrontement ouvert entre manifestants et militants de l’UMP sur les berges du Rhône où entre plusieurs lancés de pierres un jeune a été passé à tabac puis jeté dans le fleuve. C’est pourtant à monsieur Sarkozy que l’on reproche d’être fasciste et extrémiste.

Au même moment, à Aulnay, des jeunes discutaient des résultats de cette élection et des implications pour le futur. Ces même jeunes ont subit cette nuit là une provocation avérée de la part des policiers présents pour assurer la « paix » dans le quartier. S’il serait facile de leur jeter la pierre, il ne faut pas faire l’erreur de croire que les autorités soient des monstres avides de violences, mais ils doivent sur cette affaire assumer leur comportement, fût il explicable par la rancune ou l’amertume de leur travail sur le terrain, il n’est en aucun cas justifiable. Mais il y a un comportement à saluer ce soir de mai 2007, car suite à cet incident, les jeunes présents n’ont pas voulu répondre par la violence. Ils ont en effet eu un discours à la fois noble et citoyen : « le plus dur commence mais ça va nous pousser à aller voter en juin ». Des mots, sortis de la bouche d’un jeune homme de 21 ans, surprenants de maturité démocratique.

Tous ces faits ont été retranscrits par la presse française de façon assez hétérogène. Il est vrai que ces incidents sont sporadiques et finalement n’impliquent qu’une infime partie de la population, pourtant, ils soulèvent un certain nombre de débats. En effet, il est du devoir de chacun de défendre les valeurs humanistes et démocratiques de notre pays, valeurs qui sont souvent remises en cause chez monsieur Sarkozy, à savoir si c’est à tord ou à raison est une autre question. Il est facile de se laisser entraîner dans des courants idéologiques sans connaître toutes les cartes, c’est sûrement l’erreur que font beaucoup des électeurs, à droite comme à gauche. Dépassés par des discours qui manquent souvent de clarté, les images que veulent afficher les candidats sont souvent à des lieues de leurs caractères réels. Derrière ces plans de communication tirés à quatre épingles, le programme lui-même aura souvent porté à confusion. Les Français ont souvent été égarés par la quantité d’information véhiculée par les médias. N’est il pas paradoxal qu’une grosse partie de l’électorat de madame Royal soit anti-Sarko et qu’un nombre équivalent d’électeurs de droite aient élu monsieur Sarkozy pour ne pas voir la candidate au pouvoir ? Votons nous pour élire un président ou pour éliminer un candidat ?

Les différents groupes politiques et les médias devraient prendre toute leur responsabilité dans leurs discours et leur attitude vis-à-vis de ce qui s’est passé au cours de cette nuit. Il est triste de voir que la lutte pour la démocratie poursuivie par un certain nombre de personnes avec des valeurs et un discours positif soit mélangé avec celui de casseurs et de vandales qui ont trouvé dans cette élection prétexte à la violence. A force de jouer sur les mots et sur le sens des discours comme on le fait, on a tendance à jouer avec une subtilité dangereuse. A mélanger « la racaille » que le candidat élu veut passer au « karcher » avec la jeunesse des banlieues, à mélanger des jeunes manifestants contre monsieur Sarkozy en opposant des valeurs à une idéologie discutée avec des délinquants violents, agressifs et irrespectueux d’autrui, nous créons des amalgames qui vont souvent dans cette attitude de vote « anti ». Nous devrions prendre nos responsabilités en clarifiant nos discours politiques afin de s’attaquer aux problèmes dans une poursuite de l’avancement et non pas pour atteindre des objectifs électoraux.

vendredi 4 mai 2007

Au bout du fait divers.


La rapidité et la diversité des médias nous permettent aujourd’hui de connaître les faits divers les plus croustillants et les plus divertissants se déroulant sur notre petite planète. Tout le tragique de la situation se révèle lorsque ce sont ces termes qui deviennent prépondérants lorsque l’on parle d’information. La souffrance et le malheur des citoyens du monde deviennent l’un des premiers loisirs télévisuels des Français moyens. A qui la faute ? Les médias ont très probablement leur part de responsabilité dans cet état de fait, mais ils ne sont sûrement pas les seuls à devoir se remettre en question. Les acteurs politiques, de notre pays, mais aussi du monde entier devraient faire l’effort de ne pas appuyer ces méthodes, en se servant des faits divers pour étayer leurs argumentaires ou pour soutenir des courants d’opinions, le plus souvent en déformant ces faits et en développant de façon exponentielle les tenants et aboutissants d’actions pourtant isolées. Enfin, c’est à nous, citoyens et créatures intellectuelles, de nous poser les bonnes questions et de ne pas nous laisser abrutir par les histoires grassement diffusées par les masses médias.

Pourtant, il faudrait être sacrément naïf pour croire que tous ces faits divers ne sont en aucun cas liés à autre chose qu’à leur propre causalité. Chaque action d’un être humain a des conditions et des conséquences multiples et variées. Ainsi, il est légitime de se servir d’un fait isolé pour se poser des questions, sur la moralité, la culture, la justice, la politique, l’économie, la géopolitique … et surtout sur nous même. Je pense que la démarche intellectuelle doit commencer par une analyse la plus honnête possible de sa propre personne morale, de ses convictions. Nous devrions tous avoir la capacité de prendre du recul vis-à-vis de l’actualité pour réfléchir à toutes ses implications sans se laisser entraîner dans le flux de nos propres réactions, trop souvent dictées par la colère ou la joie.

Nous allons donc au fil des jours nous servir de faits divers, peu importants en apparence pour suivre une démarche simple, pour nous interroger sur le sens de l’acte, sur sa profondeur philosophique. Nous allons tacher de nous servir de cette actualité anodine pour mieux comprendre notre monde et pour mieux nous comprendre nous même.