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Robins des Bois du 21ème siècle.



Le 23 novembre, le président de l’association Droit au Logement rencontrait enfin celui de la République française, Nicolas Sarkozy. L’objet de la discussion était de trouver une solution à la situation catastrophique des mal logés qui campaient dans la rue de la Banque, à Paris, depuis plus d’un mois maintenant. Des mal logés, en France, il y en a encore beaucoup, alors pourquoi cette fois ci, la lutte des malheureux a-t-elle réussi à aboutir ? Ces familles ont eu le courage de ne pas baisser les bras et de maintenir leurs exigences. Cette fois pourtant, elles ont bénéficié du soutien et de la présence hautement médiatisés de nombreuses personnalités. Carole Bouquet, Guy Bedos, Gérard Depardieu ou Bruno Solo, ils ont été nombreux à manifester leur indignation face à cette sombre facette de notre société.

Ces personnalités ont-elles réellement joué un rôle clef dans cette affaire ? Il est délicat de répondre à cette question, l’impact réel de leurs manifestations ayant petit à petit disparu de la majorité des supports d’information. Après une première quinzaine, forte en rebondissements et des échanges d’amabilités et de provocation entre ces Robins de Bois modernes et Madame Christine Boutin, la ministre du logement. Le débat a alors sombré dans des bassesses communicatives, les premiers reprochant à l’Etat de ne pas trouver de solution, les élus UMP ironisant sur le soudain intérêt des épargnés des duretés de la vie pour les plus petites gens.

Il semblerait pourtant que la lutte des mal logés de la rue de la Banque soit en voie de résolution. Les Français sont en général sensibles aux causes défendues par les personnalités qu’ils admirent. Le premier à avoir adopté cette politique humanitaire, c’était Coluche. Les Enfoirés remportent, année après année, un franc succès. Ils ont su réunir autour de la défense contre la misère un grand nombre de citoyens et ont réussi à donner de leur temps et de leur renommée à une noble cause. C’est peut être là le but que poursuivait Carole Bouquet et ses camarades.

On peut cependant se trouver en droit de se poser la question de la légitimité des discours de ces manifestants au grand cœur. Ces dernières années, la célébrité apportée par la réussite, dans quelque domaine que ce soit, le sport, la musique ou le cinéma, semble permettre aux têtes connues des médias une opinion capable de faire contrepoids avec celle d’experts en économie ou en sciences sociales. C’est le cas en France, mais également aux Etats-Unis et dans toute l’Europe. Depuis ce célèbre bodybuilder, coqueluche du grand écran devenu le grand patron de la Californie jusqu’à cette jeune boxeuse polonaise rejoignant, grâce à la force de ses poings l’assemblée de son pays, la réussite dans quelque domaine que ce soit semble pouvoir être un vecteur menant à une carrière politique.

On pouvait lire dans Les Enjeux : Les Echos, durant les élections présidentielles de 2007, la remise en cause de la légitimité de Monsieur Nicolas Hulot et de son pacte écologique. Comment une star du petit écran, connue pour avoir explorer les régions les plus reculées du monde, pouvait-elle bien être crédible lorsqu’il s’agissait de parler d’économie nationale ? Il est facile de lancer de belles idées en matière d’écologie, mais les mettre en application à grande échelle pour un pays est une autre question. C’est du moins ce que semblaient plaider les politiciens français et occidentaux en général lorsque ces questions étaient posées. Pourtant, si Al Gorre a longtemps plaidé pour la rentabilité de l’écologie, c’est le combat du présentateur d’Ushuaia Nature qui aura fait basculer la France vers une politique plus verte. La notion d’ingérence politique était alors proposée par les rédacteurs du mensuel économique.

Le droit d’ingérence, le devoir d’ingérence, est un terme géopolitique précis. Il précise les obligations qu’ont les Etats de s’interposer dans la gestion intérieure d’un Etat souverain lorsqu’il s’agit de sauver des populations de désastres humanitaires majeurs. Cette idée, lancée voilà maintenant plus d’une dizaine d’année par Bernard Kouchner, alors à la tête de Médecins sans Frontières, a suivi son chemin dans les esprits et si elle pose toujours de nombreuses problématiques politiques et diplomatiques, elle semble en grande partie acquise par les Nations Unies.

Peut on alors étendre cette notion à la politique ? Les politiciens d’un pays peuvent ils prétendre à une quelconque notion de suprématie en matière de décisions et de réflexions politiques ? La réponse semble évidemment négative. De toutes les manières, les citoyens de nos pays semblent apprécier d’avoir des têtes connues pour encadrer leurs dirigeants politiques. Si l’on prend l’exemple de la France, la confiance du peuple en ses partis politique semble s’amenuiser à mesure que les présidents se succèdent. Pourtant, ils sont hunanimes lorsque des personnages supposés apolitiques comme Nicolas Hulot leur présente la cause de l’environnement.

Ingérence ou non, crédibilité ou pas, tous les candidats aux élections se sont vus dans l’obligation d’adhérer au pacte environnemental du présentateur de télévision. Sa cause a abouti et l’on est largement en mesure de s’interroger sur la forme qu’aurait emprunté le grenelle de l’environnement si Nicolas Hulot n’avait pas fait tant parler de lui pendant les présidentielles.

On est également en droit de se questionner sur la forme qu’auraient pris les négociations pour solutionner la situation des mal logés de la rue de Banque si toutes ces personnalités ne les avaient pas soutenus.

Le monde du « show business » et celui de la politique semblent étroitement liés de nos jours. Un candidat en campagne s’entoure de musiciens, d’écrivains, de chanteurs et d’acteurs. Les causes doivent être défendues par des célébrités, comme s’il s’agissait de vendre des biscuits ou une célèbre marque de restauration rapide, le bénévolat associatif doit à présent être représenté par des personnalités. Le gouvernement lui-même doit faire travailler de grands noms du sport, Bernard Laporte passant du stade de sélectionneur d’équipe nationale de rugby à celui de secrétaire d’Etat.

Quoi qu’on en dise, les Français se réjouissent des résultats du pacte écologique au moins autant que les Californiens apprécient la politique de leur gouverneur aux muscles saillants. Les combats du futur s’inspireront certainement de cette méthode de communication. Nous verrons peut être en 2012 des pactes pour le logement, pour l’insertion sociale ou pour la libération du Tibet. S’ils sont défendus par des personnalités suffisamment charismatiques, ces projets pourraient alors devenir ceux de l’ensemble de la classe politique. Ce n’est peut être pas si illogique finalement dans un monde où la communication et les médias prennent un rôle toujours plus important.